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Navigare Necesse Est

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Version 2.0 !


Petites annonces

Publié par Owly sur 15 Novembre 2016, 21:46pm

Voici le sixième texte écrit ce soir à l'atelier d'écriture. Thème : les petites annonces !

 

Il me fallait de la compagnie. Rester seul dans mon petit deux pièces était devenu intolérable. Qui n’avait pas voulu prendre de colocataire, et ainsi avoir un appartement toujours animé ? C’est bibi. Et maintenant, j’en venais à le regretter, assis tout seul, buvant une bière insipide devant un match de foot quelconque. Même les murs du salon, pourtant peints de couleurs me paraissaient monochrome, même le café n’avait plus le goût de café. Non, vraiment, il me fallait de la compagnie. Même mes amis, que je ne voyais plus aussi souvent qu’avant, me le disaient. « Trouve-toi une nana ! » Et puis quoi encore ? Non merci, pour entendre le sèche-cheveux à six heures du matin, laisse tomber. « Mon dieu, mais qu’est-ce qu’on va faire de toi ? » de disait souvent ma sœur en levant les yeux au ciel. Bonne question, et la réponse tarde à venir. L’équipe de foot féminine, je ne sais plus laquelle, remporte le match avec deux buts à zéro. Mais déjà, ce qui se passe à la télévision ne m’intéresse plus, le téléphone sonne. Numéro inconnu. A tous les coups, c’est encore une publicité ou du démarchage. Néanmoins, je tend le bras et je décroche.

« Allô ? » fais-je en coupant le son de la télé.

Au bout du fil, un silence, puis une voix de femme retentit, tellement fort que je dois éloigner le combiné de mon oreille si je ne veux pas devenir sourd.

« Bonjour, j’appelle pour l’annonce que vous avez laissé dans le journal d’hier matin. »

Je fronce les sourcils.

« Quelle annonce ?

  • Ben…Homme jeune, soixantaine, vend jeune chat noir qui n’est plus un bébé, afin de rentabiliser son investissement avant de mourir. Vous avez même laissé votre numéro, et votre annonce m’intéresse beaucoup. J’ai besoin de compagnie… »

Et blablabla, et blablabla. Je la laisse parler quelques minutes sans rien dire. On dirait un canular. Un mauvais canular même, qui a l’idée de mettre une offre pareille dans le journal du matin ?

« Vous avez dû faire une erreur, madame…

  • D’abord, je préfère mademoiselle…Et sachez que je ne me trompe jamais ! »

Mon dieu, mais qui est cette fille ? Elle me tape déjà sur les nerfs. Bon, j’ai le choix : soit je raccroche, soit je me fais effectivement passer pour l’homme qui a déposé l’annonce. Misère, quel dilemme ! J’opte finalement pour la seconde option et, après avoir feint de m’être souvenu qu’effectivement je vendais un chat noir, nous convenons d’un rendez-vous. Qui sait, cela me sortira, aller au café pour rencontrer une inconnue, ça ne tombe pas du ciel comme ça ! Demain, au Café de la Place, juste à côté du fleuriste. Elle me dit qu’elle sera habillée en gris et blanc. Moi, je ne lui dis rien. La femme a une voix stridente, pas désagréable, à condition de l’écouter pendant quelques minutes. Elle aussi a l’air bien seule, ça s’entend dans les mots qu’elle a prononcés : compagnie et se changer les idées. Maintenant, je vais devoir trouver un chat, si je ne veux pas passer pour un menteur et un imbécile. Mais j’ai envie de me prendre au jeu. Il est onze heures du matin, j’appelle un ami qui travaille dans le maquillage d’effets spéciaux.

« Ouais, salut, j’aurais besoin de tes services. »

Au grognement qu’il me répond, onze heures c’est trop tôt pour lui, on dirait qu’il vient de commencer sa nuit.

« Écoute, j’ai un rancard demain, et il faudrait que j’aie l’air d’avoir la soixantaine. »

Voilà, je l’ai dit. J’attends sa réaction. Elle ne se fait pas tarder, et il commence à se moquer ouvertement de moi.

« Oulà, je sais pas sur qui tu es tombé, mon gars, mais elle a l’air sacrément…

  • Tu peux faire ça pour moi, oui ou non ? »

Je le coupe avant qu’il n’aille trop loin.

« Oui, aucun problème. T’as rendez-vous à quinze heures, tu dis ? Bon, alors on se retrouve chez toi à treize, ça devrait le faire ! »

Et il me raccroche au nez. Il est comme ça. Je suis tellement curieux et un peu excité, que j’en oublie le chat. Lorsque j’y pense, après avoir ressassé l’appel de l’inconnue, après des heures à fixer un écran noir, à attendre un autre appel, il est l’heure d’aller me coucher. Au lit, demain sera plein de rebondissements !

Le réveil à dix heures me fait sursauter, et je me dépêche de m’habiller. Les heures filent à toute vitesse, et mon ami est bientôt là. En un tour de main, tout est joué : j’ai les cheveux grisonnants, quelques rides bien placées et je me dirige vers le lieu du rendez-vous. Quinze heures. Quinze heures trente. Seize heures. Toujours personne. Tiens, elle est en retard. Puis j’aperçois quelqu’un se diriger vers la table où je suis installé avec un café. Cheveux longs et attachés, ce n’est qu’une silhouette qui se rapproche à mesure que la distance s’amenuise. Une femme, ou plutôt un homme en robe blanche à gros pois gris, jeune, la trentaine, comme moi, aux yeux rieurs, qui me dit :

« C’est vous, le monsieur de l’annonce ? »

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